Coulisses du Party Pack 10 : Art Edition !
Si nous n'avions pas d'artistes, nos jeux ne seraient que des logiciels de prises de notes où figureraient des idées de blagues. Heureusement, nous disposons d'une équipe d'artistes talentueux qui donnent vie à nos personnages et confèrent à tous nos jeux leurs graphismes mémorables.
Les graphistes de jeu vidéo travaillent avec l'équipe pour trouver la meilleure apparence pour compléter les philosophies de chaque jeu. Il faut qu'elle permette au jeu de se démarquer sans distraire le joueur du jeu lui-même. Souvent, des indices visuels permettent d'orienter la réflexion ou l'action du joueur et les graphismes du jeu déterminent une bonne part de son accessibilité pour les joueurs handicapés ou inexpérimentés.
L'apparence d'un jeu est le fruit d'une sérieuse réflexion ; cela ne consiste pas simplement à le rendre joli. Même si, parfois, le fruit de ce design est aussi beau qu'on puisse l'imaginer...
Gene by Rachel Lewis.
Nous avons parlé à quelques membres de l'équipe artistique, à propos de la direction artistique du Party Pack 10.
Quel fut votre rôle dans PP10 ? Quelle est votre fonction officielle chez Jackbox ?
Bruno Rodríguez : J'étais le graphiste en chef de Fixytext, j'ai fait les graphismes et les animations de ce jeu et de ses commandes (dans l'interface visible sur votre téléphone).
Kyle Fleischer : Je suis graphiste en chef chez Jackbox et j'ai travaillé sur les graphismes de Dodo Re Mi.
Stef Egan : Je suis actuellement graphiste en chef chez Jackbox Games, et j'ai trouvé que TimeJinx était un projet passionnant, car c'est le premier jeu dont j'ai supervisé la direction artistique.
Hero Paul See : J'étais travaillé comme graphiste sur PP10. Et je suis graphiste numérique chez Jackbox Games (pour les graphismes et l'animation).
Owen Watson : Graphiste en chef et directeur artistique [pour Hypnotorious].
Comment avez-vous abordé l'apparence de ces jeux ? Y a-t-il eu une évolution entre le concept original et le produit fini ?
Bruno Rodríguez : Pour Fixytext, nous voulions utiliser le thème des machines défaillantes. À un moment, j'ai envisagé d'employer des graphismes en ASCII, car le jeu était orienté vers le texte. Je n'ai pas aimé nos premiers résultats, alors j'ai décidé de mélanger les styles : des caractères étranges apparaîtraient sur plusieurs surfaces pour créer des textures ou des visages, dans le cas des avatars. Le style direct du dessin technique m'a permis de mêler dessins à la main et objets rendus en 3D, ce qui était à la fois très libérateur et très expressif.
Esquisse des débuts de Timejinx.
Kyle Fleischer : J'essaie d'établir un lien entre les graphismes et les mécaniques d'un Party Pack, afin de structurer et de contextualiser l'activité des joueurs. Dès le début, nous savions que Dodo serait un jeu musical, alors nous avions besoin d'exprimer graphiquement la raison pour laquelle les joueurs devraient faire tous ces sons. Nous avons passé en revue quelques idées bizarres (dont de « petits insectes avec de gros instruments »), avant d'avoir l'idée d'oiseaux perchés sur un fil téléphonique. De là, nous avons élaboré le design, comme s'il s'était agi d'un outil de résolution de problème. Nous avons bénéficié d'un retour important : le jeu n'instaurait pas assez de tension, alors nous avons ajouté une plante carnivore qui mangerait les joueurs s'ils jouaient mal.
Hero Paul See : J'ai abordé les graphismes de Tee K.O. 2 en rendant hommage au jeu original, mais nous voulions l'améliorer et le faire évoluer en ajouter des effets d'animation plus complexes, des fonds détaillés et de petits appels du pied aux fans de longue durée de Jackbox ! Puisque nous pouvions nous inspirer de son prédécesseur, nous disposions d'une direction artistique claire du premier jet au produit final.
Étude préliminaire d'Hector Padilla pour Tee K.O. 2.
Quelles furent vos sources d'inspiration ?
Kyle Fleischer : [Pour Dodo Re Mi], je me suis inspiré en grande partie d'un mélange d'illustrations botaniques et de couvertures d'albums de jazz des années 1960. Je voulais donner une allure organique à la composition de l'écran, sans trop le charger. Et puis j'ai toujours voulu visualiser la musique d'une façon harmonieuse avec le reste de l'I.U.
Esquisse préliminaire de plantes rétro, par Patrick deBardelaben
Steff Egan : Pour [Timejinx], je me suis vraiment inspiré du style UPA qui dominait dans Les Supers Nanas, Le Laboratoire de Dexter et d'autres dessins animés de cette époque. C'est un style en bloc, amusant, qui permet de représenter des fonds animés avec de simples formes, ce qui correspondait parfaitement à ma vision d'un labo de science industrieux, mais néanmoins accueillant.
Premiers jets de personnage, par Stef Egan
Je voulais que les fonds soient visuellement attractifs, sans être trop détaillés ni distrayant. Il fallait donner la priorité aux personnages et à l'action. Je me suis aussi inspiré de l'évolution de la mode, pour habiller les personnages. Chacun d'eux devait avoir une allure et une personnalité distinctes qui devaient rejaillir sur les fonds de laboratoire.
Quelques études d'arrière-plans pour Timejinx.
Owen : [Les graphismes d'Hypnotorious furent inspiré par] Billy et Mandy, Les Aventures de Rocky et Bullwinkle, Ren et Stimpy, ainsi que, croyez-le ou non, mon père (quand j'étais petit, il dessinait souvent une drôle de créature, un cerveau juché sur un pied).
Comment abordez-vous l'identité graphique du pack dans son ensemble ? Comment faites-vous de cinq jeux distincts un tout cohérent ?
Hero Paul See : Pour ma part, je trouve que la beauté de ces packs tient justement dans leur grande diversité. C'est toujours un plaisir d'atterrir sur l'écran de sélection et de voir tous les personnages « se retrouver » dans le même espace, une sorte de salle de jeu inspirée du milieu étudiant.
Étude préliminaire de l'écran de sélection. Il a été conçu par Lev Cantoral et Charlie Bickett, avec l'aide de Bruno Rodríguez, Hero Paul See et Nolan J. Downs.
Bruno Rodríguez : Je pense que les jeux présentent une structure et une interface en partie similaires, mais que leurs directions artistiques respectives les distinguent, au lieu de les rapprocher. Cela crée un contraste entre les jeux et les rend plus mémorables. Le menu principal (l'écran de sélection) est comme une chatte qui allaiterait une portée de cinq. Elle tente de leur apprendre à s'en sortir, mais ils sont turbulents. Ce n'est pas facile.
À quel point échangez-vous entre graphistes de l'équipe et avec le directeur artistique du studio, lorsque vous imaginez les graphismes du jeu dont vous avez la responsabilité et du pack dans son ensemble ? Chaque jeu est-il créé indépendamment, avant d'être mêlé aux autres à la fin, où pensez-vous dès le début à la façon dont vous allez leur donner une identité ?
Kyle Fleischer : Tous les artistes de Jackbox se rencontrent régulièrement, afin de montrer leurs progrès sur chaque jeu. J'estime que nos styles sont tous franchement distincts, mais au début de la production d'un pack, nous gardons en tête les thèmes exploités par les autres jeux. Nous craignions que les environnements de Dodo et TKO2 aient pu paraître trop similaires, alors nous avons repoussé Dodo encore plus loin dans la jungle, sans jamais montrer le ciel.
Stef Egan : Ce serait génial de savoir dès le départ à quoi ressemblerait le produit final, mais c'est bien plus facile à dire qu'à faire ! Du premier au dernier jour de la production, les artistes sont en constante ébullition, toujours à expérimenter de nouvelles idées et à raffiner les concepts existants. Nous nous parlons et critiquons chacun le travail des autres, mais impossible d'empêcher une inspiration subite ou d'ignorer une note d'un collègue qui demande de modifier quelque chose. La nature collaborative du développement d'un jeu signifie que la direction artistique est sans cesse sujette à des ajustements en fonction des critiques et des limitations techniques. Nous faisons les meilleurs jeux possible et nos équipes sont très concentrées, mais nous restons à l'affût des « incidents heureux », afin de capitaliser dessus.
Esquisse du tableau des meilleurs scores de Timejinx.
Hero Paul See : Je m'assure de maintenir des communications claires et ouvertes avec les autres graphistes et le directeur artistique du studio ! Je suis un grand promoteur de la collaboration et de la gestion de nos ambitions, car ce sont les deux clefs du succès en matière artistique. C'est tellement simple de nous perdre dans notre propre travail ! Les contacts quotidiens et les réunions artistiques hebdomadaires sont tellement utiles ! On a l'impression que la plupart des jeux sont surtout développés séparément, en s'assurant qu'il y aura une grande variété de joueurs, dès le départ.
Quels sont certains des plus grands défis, lorsqu'on conçoit un jeu vidéo ?
Owen Watson : Le temps par-dessus tout ! En tant que directeurs artistiques, nous concevons les graphismes du jeu alors que les fonctions du jeu sont en cours de développement.
Bruno Rodríguez : Rendre les choses claires, faire une jouabilité amusante, ne pas trop compliquer les choses. En matière artistique, le plus dur est de compléter le reste : musique, texte et jouabilité, ainsi que l'expérience des joueurs. J'ai étudié le design graphique, alors je me demande toujours ce que vont ressentir les gens en regardant l'écran. Quel est le point de fuite ? La hiérarchie des éléments a-t-elle un sens ou captent-ils tous l'attention du joueur, en semant la confusion ? Etc.
Hero Paul See : À mon avis, les plus grands défis du design d'un jeu vidéo consistent à savoir abandonner une idée géniale ou à supprimer du contenu au bénéfice du projet et du bien-être de l'équipe.
Études préliminaires d'Hector Padilla pour Tee K.O. 2.
Comment êtes-vous devenus graphistes de jeu vidéo ? Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui veut se lancer comme graphiste pour l'industrie du jeu vidéo ?
Kyle Fleischer : J'ai commencé dans une game jam, avec des amis. Ça m'a permis de bien appréhender le côté technique du graphisme de jeu vidéo. J'ai toujours adoré produire des œuvres étranges, dans divers styles, et c'est exactement ce qu'il faut pour les Party Packs. J'estime qu'il est profitable d'imposer volontairement des contraintes à sa production artistique et d'apprendre à s'y adapter. C'est justement la situation dans laquelle on se trouve, quand on fait un jeu vidéo.
Owen Watson : J'ai commencé par l'animation pour la télévision. Je suis passé aux jeux vidéo, car Jackbox cherchait quelqu'un avec une expérience en animation de personnage. Ça m'a bien aidé d'avoir appris Flash quand j'étais petit ! Mon conseil : faites-vous des amis, pas des connexions ! Je ne compte plus les occasions dont j'ai profité ou dont j'ai fait profiter les autres, grâce à des amitiés solides.
Bruno Rodríguez : Voici mon conseil : prenez des cours de dessin ou pratiquez beaucoup. Apprenez la perspective et dessinez à partir de sujets réels. Mais il y a encore plus important : l'art de qualité provient d'une imagination fertile. Ne cherchez pas simplement votre inspiration dans d'autres œuvres. Lisez des livres sur toute sorte de sujets, parlez à des gens intéressants et soyez curieux des détails de notre monde. La production des images n'est qu'une petite partie d'un tout. Dans le jeu vidéo, ça aide de s'y connaître un peu en animation et en programmation, surtout si vous faites partie d'une petite équipe.
L'expérimentation est votre amie : vous ferez un paquet de nullités, et dans le tas il y a aura des pépites !
Esquisses du salon de FixyText, par Bruno Rodríguez.
Quelles sont vos anecdotes favorites concernant la création du Party Pack 10 ? Ou bien, voulez-vous mentionner quelque chose à inclure dans le blog ?
Kyle Fleischer : Chaque jalon de la création de Dodo fut un plaisir. Que ce soit Nate [Sandberg] qui nous faisait écouter ses nouveaux morceaux dans le canal de discussion entre dévs, découvrir les oiseaux entièrement animés de Patrick [deBardelaben] ou écouter notre playback (fidèle !) pour la première fois, c'était comme découvrir ce que devait être le jeu, étape par étape.
Études des poses des oiseaux de Patrick deBardelaben, pour Dodo Re Mi.
Steff Egan : Entre membres de l'équipe, on plaisantait en imaginant des histoires de cœur entre les personnages que j'avais imaginés [pour Timejinx]. C'était amusant, pendant les réunions de réflexion, mais ça m'a donné envie de créer une simulation romantique dérivée. Faites-en une réalité, M. Box ! Et puis, en tant que fan de dessins animés japonais, je ne laisse passer aucune occasion de disséminer des clins œil à ceux-ci. Saurez-vous les trouver parmi les personnages et les arrière-plans ?